vendredi 29 avril 2011

Gary Cooper, dans le Dictionnaire amoureux du cinéma (de Jean Tulard)

Les cinéphiles n'ont pas oublié son chapeau à large bord, ses inépuisables pistolets, sa gaucherie nonchalante et son sourire timide. Qu'il fût un flegmatique Marco Polo, un séduisant Bill Hickok ou un beau légionnaire dont s'éprenait Marlène Dietrich, il restait Gary Cooper, un mythe.


Plus encore que Mickey, il demeure dans les mémoires comme le symbole de l'âge d'or de Hollywood, d'un Hollywood aujourd'hui englouti. Ford excepté (et cette lacune reste étonnante car les deux hommes donnaient et avaient la même image de l'Amérique), Cooper a travaillé avec tous les grands metteurs en scène américaines : DeMille, Hawks, Walsh, Capra, Lubitsch, Hathaway, Wellman, Wilder, Wyler, Sternberg, Lang, Curtiz, Vidor, Fleming, King, Aldrich, Mann ...
Il eut pour partenaire Ingrid Bergman, Grace Kelly, Marlène Dietrich, Rita Hayworth, Lauren Bacall, Barbara Stanwyck, Clara Bow, Paulette Goddard, Merle Oberon et même Shirley Temple !
S'il eut une préférence pour la Warner et la Paramount, il a tourné pour la plupart des grandes firmes américaines.
Enfin, il a su s'adapter à tous les genres avec une nette prédilection pour la comédie, l'aventure exotique et le western.
Dans La huitième femme de Barbe-Bleue, il est Michael Brandon, richissime américain qui, entré dans un magasin de la Côte d'Azur pour y acheter un pyjama, en ressort avec Nicole de Loiselle (sic) (Claudette Colbert), dont il rêve de faire sa huitième épouse. Si Cooper s'intègre merveilleusement dans l'univers cynique de Lubitsch, il est encore plus à l'aise dans le monde naïvement idéaliste de Capra, monde où il fut L'extravagant Monsieur Deeds.
Toute une génération a puisé son goût de l'aventure dans Les trois lanciers du Bengale : méchant émir dans le nord-ouest de l'Inde, espionne russe, vaillants lanciers au nombre de trois comme les mousquetaires, explosion finale détruisant le repaire des tribus révoltées. Un souffle épique anime encore ce film qui date pourtant de 1935.


Mais Gary Cooper, c'est avant tout le western. Il y fit ses débuts de vedette en 1926 avec The Winning of Barbara Worth (Barbara, fille du désert). Ancien cow-boy et remarquable cavalier, il chevaucha dans The Virginian, un peu languissant, dans The Plainsman (Une aventure de Buffalo Bill), où son personnage de Bill Hickok vole la vedette à Buffalo Bill lui-même, dans The Westerner (Le cavalier du désert), superbe évocation du juge Roy Bean qui rendait la justice de façon expéditive, dans Northwest Mounted Police (Les tuniques écarlates), et surtout dans Vera Cruz où il s'opposait à Burt Lancaster dans un duel final au pistolet. Dernière chevauchée : Man of the West (L'homme de l'Ouest). Et comment oublier le shérif fatigué de High Noon (Le train sifflera trois fois), les commissures qui se creusent autour de sa bouche, la sueur qui mouille son front, pendant que se rapproche inéluctablement le règlement de comptes auquel il n'entend pas se soustraire malgré la lâcheté de son entourage.
La superbe chanson de Dimitri Tiomkin créait un climat bouleversant de nostalgie et de désespoir qui rappelait le personnage romantique que fut aussi Cooper dans ce Peter Ibbetson qui enthousiasma les surréalistes.
Si la filmographie de Gary Cooper ne comprend pas que des chefs-d’œuvre, on n'y relève aucune trace de médiocrité. Elle forme une véritable saga où Gary Cooper symbolise l'Américain moyen aux prises avec la corruption des villes ou la conquête des nouveaux espaces.
Alors que Bogart noie ses états d'âme de détective privé ou de gangster dans le whisky et que le corsaire Flynn ferraille pour les beaux yeux d'une dame qui a les traits d'Olivia de Havilland, Cooper, héros idéaliste et têtu, combat, lui, pour le respect des valeurs morales et la défense de la démocratie. Mort en 1961, il continue à exalter, par ses exploits cinématographiques, l'Amérique et le monde.

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