jeudi 31 mars 2011

Vera Cruz (1954)


> ÉQUIPE TECHNIQUE / CARACTÉRISTIQUES
Titre original : Vera Cruz, Réalisateur : Robert Aldrich, Scénario : Roland Kibbee et James R. Webb, Producteur : James Hill, Musique : Hugo Friedhofer, Costumes : Norma Koch, Montage : Alan Crosland Jr., Genre : Western, Durée : 94 minutes, Couleurs, Sortie US : 25 décembre 1954.

> DISTRIBUTION
Gary Cooper (Ben Trane), Burt Lancaster (Joe Erin), Denise Darcel (comtesse Marie Duvarre), Cesar Romero (marquis Henri de Labordere), Sara Montiel (Nina), Jack Elam (Tex), Ernest Borgnine (Donnegan), George Macready (empereur Maximilien), Charles Bronson (Pittsburg).

> HISTOIRE
Au Mexique, Ben Trane et Joe Erin, deux mercenaires - l'un solitaire, l'autre chef de bande - se rencontrent par hasard, et décident de l'allier pour continuer leur route, non sans avoir testé leurs talents respectifs. Ils arrivent dans un village de paysans où vient à leur rencontre l'ambassadeur de l'empereur Maximilien, le marquis de Labordere. Ils acceptent de le suivre jusqu'au palais impérial, puis acceptent l'offre du souverain : conduire jusqu'à Vera Cruz la belle comtesse Marie Duvarre, qui doit prendre le navire pour l'Europe.
Dénouement. Sur le chemin, le carrosse, protégé par une importante escorte, est l'objet de toutes les convoitises : de la part des mercenaires qui s'aperçoivent qu'il est lourdement chargé, et des rebelles juaristes qui veulent de l'argent pour leur révolution. Lors d'une halte, Trane et Erin découvrent que le carrosse contient plusieurs millions en or, que la comtesse compte bien s'en emparer pour son bénéfice personnel et qu'elle consent à partager en échange de leur aide. Mais leurs manigances sont entendues par le marquis de Labordere qui, à la halte suivante - après un guet-apens des juaristes - joue un tour aux mercenaires et s'enfuit avec l'or. Pour tenter de prendre d'assaut le fort dans lequel il s'est retranché avec ses hommes, Trane et Erin s'allient aux rebelles. Ils parviennent à entrer et à récupérer le trésor. Mais à présent leurs intentions divergent et, lors d'un duel, Trane tue Erin sous les yeux de la comtesse, prisonnière. Gagné par leur cause et admiratif de leur bravoure, il s'éloigne, leur laissant l'intégralité du trésor.

> AFFICHES


> RÉCOMPENSES ET NOMINATIONS
-

> AUTOUR DU FILM
- Associé au producteur Harold Hecht (avec qui il fonda la société de production Hecht-Norma, puis Hecht-Lancaster), c'est Burt Lancaster qui fut le producteur de la première grande réalisation du Robert Aldrich, Bronco Apache (Apache, 1954). Le succès fut tel que le duo le rappela pour un nouveau film la même année, Vera Cruz. Lancaster désirait s'opposer à Cary Grant, mais devant le refus de celui-ci de faire du western, ce fut le vétéran Gary Cooper qui fut choisi. Le film, tourné au Mexique, fut un gros succès public et rapporta près de 11 millions de dollars, pour un tournage estimé à 2 millions. (R. Karnet, Burt Lancaster, le masculin singulier, Rome, Gremese, 1997, p. 79-82)

- Le film fut également un succès en France, avec 4 501 021 spectateurs entre 1954 et 1999, dont 1 145 194 à Paris (Box office français des films de Gary Cooper).
- Vera Cruz fut un des premiers films tournés en format SuperScope.

> CRITIQUES
"Un [western] ironique et violent [révèle] un nouveau talent : Robert Aldrich. Ces trois films [Apache, Vera Cruz, Kiss Me Deadly] restent aujourd'hui admirables." (B. Tavernier et J.-P. Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Paris, Omnibus, 1995, p. 258)

"Ce qui frappa surtout dans Vera Cruz, ce fut un ton neuf, une certaine impertinence mise en forme avec un lyrisme et un sens surprenant de l'efficacité. [...] Aldrich décrit sans prendre parti pour un héros monolithique, ce qui lui permet de retourner sans cesse les situations et de parsemer son récit d'explosions tour à tout comiques, sadiques, violentes, brutales, cruelles. [...] Lancaster avec sa souplesse de félin est tout simplement prodigieux. A ses côtés, Gary Cooper, flegmatique, joue en finesse." (F. Buache, Le cinéma américain (1955-1970), Lausanne, L'âge d'homme, 1974, p. 453)

"Tout est parfait dans ce western : une intrigue pleine de rebondissements, une distribution exceptionnelle (Cooper et Lancaster sont géniaux - le mot n'est pas trop fort - et l'on retrouve tous les grands "seconds rôles", Elam, Borgnine et même Bronson), des images splendides de la cour de la Mexico ou des pyramides aztèques, un mélange extraordinaire de lyrisme et de cynisme inhabituel dans le genre ... un chef d'œuvre." (J. Tulard, Guide des films (L-Z), Paris, Robert Laffont, 1990, p. 1291)

"Vera Cruz marque une étape importante dans l'Histoire du western, mettant en scène de vraies crapules, dont l'avidité est le seul mobile : Burt Lancaster y est un tueur et un traitre, tandis que pour la première fois, à l'exception du dénouement final, Gary Cooper n'est pas un héros idéaliste monolithique. Par ailleurs, ce film haut en couleurs, remarquablement photographié, est agréablement saupoudré d'humour." (J.-C. Lamy (dir), Dictionnaire des films, Paris, Larousse, 2002, p. 1422)

"Lancaster patauge, en fait trop et le jeu de Cooper, laconique et langoureux comme à son habitude, ne fait qu'accentuer le malaise dans lequel se noie son partenaire." (R. Karney, Burt Lancaster, le masculin singulier, Rome, Gremese, 1997, p. 82)

A la sortie du film, le critique Crowther, du New York Times, qualifia la prestation de Burt Lancaster de "nulle, en canaille qui affiche sa perversité à grands renforts d'éclats de rires diaboliques." (Idem)

> RÉPLIQUES
- "Combien ?
- 100 dollars. En or.
- T'es dur !
- Marcher l'est aussi.
...
- Il avait la patte cassée.
- Un cheval à trois pattes se vend bien par ici.
- Il souffrait.
- On est un cœur sensible, hein ?
- Seulement avec les chevaux."
(Gary Cooper/Burt Lancaster)

- "Que proposez vous général ?
- Que vous luttiez à nos côtés.
- Vous gâchez votre talent, ces paysans n'ont pas de quoi vous payez !
- Vous, américains, savez ce qu'est lutter pour l'indépendance. Nous offrons plus que de l'argent, senor. Nous offrons une cause."
(Gary Cooper/Morris Ankrum/Cesar Romero)

- "Votre connaissance du protocole me sidère, Monsieur. Vous savez même quelle main utiliser !
- Quand j'étais pas plus haut que trois pommes, j'avais un petit soldat de plomb, de cette taille. Un jour, je l'ai perdu, et j'ai pleuré. Ma mère m'a dit 'Arrêtes de pleurer, il réapparaîtra bien un jour'. Elle avait raison. Vous voilà !"
(Henry Brandon/Gary Cooper)

- "Je suppose qu'avec des hommes d'action, on doit s'attendre à de l'action."
(George Macready)

- "Ah ! On a un prisonnier !
- Et trois lanciers de moins ... Pas très équitable."
(Cesar Romero/Gary Cooper)

- "J'ai pas confiance en lui. Un type qui aime les gens, on peut pas compter dessus."
(Burt Lancaster)

- "Je savais pas que ces abrutis savaient écrire. Qu'est-ce qu'ils font ?
- Ils savent que ça va pas être facile. Ils veulent être sûr d'être enterrés sous le bon nom.
- Bonne idée : j'écris ton nom, et t'écris le mien. On va gruger Saint Pierre."
(Burt Lancaster/Gary Cooper)

> PHOTOS DU FILM


> PHOTOS DE TOURNAGE


> VOIR AUSSI
Disparition de l'actrice Denise Darcel (décembre 2011).

> DVD
Voir la page du DVD Zone 2 de Vera Cruz.

Box Office des films de Gary Cooper en France (1945-1960)

Charles Vanel et Gary Cooper, à Cannes, en 1953.

Voici un récapitulatif du nombre d'entrées des films de Gary Cooper en France de 1945 à 1960. La liste des films concernés débute avec Le cavalier du désert (The Westerner, 1940) et s'achève avec La lame nue (The Nacked Edge, 1960), à l'exception de : Sergent York (Sergeant York, 1941), Casanova le petit (Casanova Brown, 1944) et It's a Big Country (1951).

J'ai réalisé cette liste à partir de cet ouvrage : Simon SIMSI, Ciné-Passions, 7e art et industrie de 1945 à 2000, Paris, Éditions Dixit, 2000.

- Liste par ordre chronologique (date de sortie américaine) :


Gary Cooper a attiré près de 73 millions de spectateurs dans les salles françaises entre 1945 et 1961. On constate que 26 films ont dépassés la barre des 1 million d'entrées, et que 5 ont dépassés les 4 millions.

Note : Ces chiffres, publiés dans le livre de Simon Simsi, montrent les entrées cumulées entre 1945 et 1999. Ils comprennent donc les éventuelles ressorties des films.

mercredi 30 mars 2011

Le train sifflera trois fois (1952)


>> ÉQUIPE TECHNIQUE / CARACTÉRISTIQUES
Titre original : High Noon, Réalisateur : Fred Zinnemann, Scénario : Carl Foreman, Producteur : Stanley Kramer, Musique : Dimitri Tiomkin, Photographie : Floyd Crosby, Direction artistique : Ben Hayne, Montage : Elmo Williams et Harry Gerstad, Genre : Western, Durée : 85 minutes, Noir et Blanc, Sortie US : 30 juillet 1952.

>> DISTRIBUTION
Gary Cooper (Will Kane), Grace Kelly (Amy Fowler Kane), Thomas Mitchell (Jonas Henderson), Lloyd Bridges (Harvey Pell), Katy Jurado (Helen Ramirez), Otto Kruger (Juge Percy Mettrick), Lon Chaney Jr. (Martin Howe), Harry Morgan (Sam Fuller), Lee Van Cleef (Jack Colby).

>> HISTOIRE
Le jour où il épouse Amy Fowler et qu'il remet son insigne de shérif après plusieurs années de service, Will Kane apprend que Frank Miller, un homme qu'il avait fait condamner et qui a été gracié, arrive en ville par le train de midi, pour venir se venger. Trois de ses hommes l'attendent déjà à la gare. Poussé par les habitants à partir le plus vite possible, Kane revient sur ses pas et compte bien protéger la ville et ses concitoyens. Pour cela, il espère être soutenu par une dizaine d'hommes.
Dénouement. Mais très vite, il s'aperçoit que ses adjoints attitrés ne veulent pas risquer leurs peaux, par peur, ou par vengeance envers le shérif. Tandis que sa femme menace de le quitter s'il ne revient pas sur sa décision d'affronter Miller, Kane tente de recruter des hommes. Il se rend dans le saloon, qui lui est hostile, puis à l'église, où on préfère rester neutre et le voir partir pour éviter les ennuis et assurer sereinement l'avenir de la ville. Kane ne trouve pas d'appuis non plus chez l'ancien shérif, trop âgé, et son seul adjoint fidèle, effrayé d'être seul à ses côtés, le quitte. A midi, quand débarque Frank, le shérif est seul, les rues désertes. Il va donc affronter les quatre hommes, et les abattre les uns après les autres, avec le concours de sa femme, revenue par amour pour son mari. Victorieux mais amer, il n'adresse pas un mot aux habitants qui se massent autour de lui, et jette son étoile de shérif à terre, avant de prendre la route avec sa femme.

>> AFFICHES


>> NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES
Nominations :
- Cérémonie des Oscars, 1953 : Meilleur film, Meilleur Acteur (Gary Cooper), Meilleur réalisateur (Fred Zinnemann), Meilleur Scénario (Carl Foreman), Meilleure Musique (Dimitri Tiomkin), Meilleure chanson originale (High Noon, écrite par Ned Washington, musique de Dimitri Tiomkin), Meilleur montage (Elmo Williams et Harry Gerstad).

- Cérémonie des Golden Globes, 1953 : Meilleur Acteur dans un film dramatique (Gary Cooper), Meilleur film dramatique, Meilleure musique de film (Dimitri Tiomkin), Meilleure actrice dans un second rôle (Katy Jurado), Meilleur scénario (Carl Foreman), Meilleure photographie en noir et blanc (Floyd Crosby), Meilleur espoir féminin (Katy Jurado).

- National Board of Review Awards, 1952 : Meilleur film.

- New York Film Critics Circle Award, 1952 : Meilleur film.

Récompenses :
- Cérémonie des Oscars, 1953 : Meilleur acteur (Gary Cooper), Meilleure musique (Dimitri Tiomkin), Meilleure chanson originale (Dimitri Tiomkin/Ned Washington), Meilleur montage (Elmo Williams/Harry Gerstad).

- Cérémonie des Golden Globes, 1953 : Meilleur acteur dans un film dramatique (Gary Cooper),  Meilleure musique de film (Dimitri Tiomkin), Meilleure actrice dans un second rôle (Katy Jurado), Meilleure photographie en noir et blanc (Floyd Crosby).

- Cérémonie des Photoplay Awards, 1952 : Star Masculine la plus populaire (Gary Cooper, dans Le train sifflera trois fois).

- New York Film Critics Circle Award, 1952 : Meilleur film.

- Le train sifflera trois fois est classé dans plusieurs listes de l'American Film Institut :
     . 27ème plus grand film de tous les temps 
     . 2ème plus grand western de tous les temps 
     . 10ème plus belle musique de film de tous les temps
     . 25ème meilleure chanson originale de tous les temps
     . 5ème plus grand héros de film de tous les temps (Will Kane, Gary Cooper)
     . 20ème plus grand film à suspens de tous les temps
     . 27ème film le plus inspirant de tous les temps

>> AUTOUR DU FILM
Entretiens avec Carl Foreman (1969, extraits).
- On a écrit que High Noon était le premier western politique ...
- Le premier, je ne sais pas. Mais c'était un film politique. Au début quand j'ai écris le scénario, je voulais faire une parabole sur l'ONU. Mais, tout à coup, la menace de la Commission des activités anti-américaines s'est précisée. Ils se dirigeaient vers Hollywood. [...] Ils avaient des appuis sérieux, comme John Wayne, et comptaient faire rebondir l'affaire en impliquant quelques stars connues, ce qui est plus excitant que des hommes politiques. [...] Pendant la fabrication du film, je reçus un petit papier rose me convoquant devant la Commission et je me suis trouvé rapidement dans la situation de Gary Cooper. Mes amis m'évitaient. [...] Je n'ai plus eu qu'à transposer certains dialogues dans un cadre de western pour obtenir High Noon.

- C'est vous qui deviez faire le film à l'origine ?
- Oui, je voulais devenir metteur en scène. J'étais devenu plus sûr de moi et je connaissais mes possibilités, et mes limites. Mais le studio n'a pas voulu. [...] Au départ le rôle était écrit pour Fonda, mais il n'était plus libre. Nous l'avons envoyé à Cooper qui l'a tellement aimé qu'il a accepté de le faire pour vingt-cinq millions au lieu de cent. On ne pouvait plus refuser. Il est formidable d'ailleurs dans le film, et il s'est conduit de manière irréprochable durant le tournage.

- Alvah Bessie déclare qu'il a "mouchardé".
- C'est faux. Alvah Bessie est atteint d'une manie de la persécution et croit que tout le monde l'a dénoncé. En fait, Cooper s'est bien comporté. [...] Durant High Noon, il m'a beaucoup aidé. Comme je vous l'ai dit, j'avais été convoqué et j'étais bien décidé à ne pas "coopérer". [...] Or, un matin, je décidai de rester [chez moi], car Zinnemann n'avait que deux gros plans à tourner dans une scène que j'avais vu tourner la veille en continuité. Ce n'était pas très important. J'ai donc regardé la télévision et je vois arriver un acteur du film qui se met à donner une liste de noms. Tout à coup j'entends le mien. Je sursaute. Le type répète 'Carl Foreman'. Pour moi, tout était fini. [...] J'appelle Fred, le mets au courant de la situation et nous réunissons toute l'équipe. Je leur fais un petit discours pour annoncer ce qui était arrivé et je demande à ceux qui veulent quitter le film de partir tout de suite. [...] Cooper s'approche de moi et dit 'C'est très bien ce que vous avez dit, très bien. Je ne veux pas que vous alliez en prison. On a besoin de vous sur ce film et on va vous aider." Je ne prétends pas que c'est la prise de position la plus révolutionnaire que l'on puisse entendre, mais dans la situation où j'étais, c'était quelque chose de formidable et de très bouleversant. Plus tard Kramer a essayé de me virer [et s'est dit] 'Avec Cooper, j'aurai plus de chance'. Mais Cooper n'a pas cédé, à leur grande stupéfaction. Il a dit qu'il quitterai le film si on me renvoyait. [...]

- Pour en revenir à High Noon, ce n'était pas un scénario original ?
- Si, mais quand je l'ai terminé, je me suis aperçu qu'il y avait une nouvelle qui présentait certaines ressemblances. Cela s'appelait The Tin Star. Nous avons acheté les droits pour ne pas avoir d'ennuis. Nous avons acheté les droits pour ne pas avoir d'ennuis. Ce qui me fascinait, c'était de faire coïncider le temps de l'intrigue avec le temps réel. Ce n'était pas nouveau, mais, dans ce cas, cela renforçait le suspens moral de l'histoire.

- Est-ce que les gens ont compris la parabole politique ?
- Cooper ne l'a pas comprise. Il sentait qu'il était dans un western plus ambitieux que ceux qu'il avait tournés, il adorait son personnage, mais il n'a pas compris. Avec lui, cela n'aurait rien changé. Kramer s'en est rapidement rendu compte. Au début, il ne croyait pas au film, après il l'a detesté. [...]

- Nous avons souvent l'impression que Zinnemann ou Robson n'ajoutent rien au scénario.
- Ils le suivent de très près, mais parfois il suffit d'un détail pour tout bouleverser. Ainsi, dans High Noon, je n'étais pas d'accord avec Zinnemann sur la direction de Grace Kelly. Il la faisait jouer avec beaucoup trop de sobriété. Comme elle était opposée à Cooper, qui est le roi de l'underplay, elle paraissait toujours en faire plus que lui. Et Zinnemann voulait gommer, ce qui était une erreur, car à vouloir en faire moins que Cooper, on risque de disparaître de l'écran. Il y a deux scènes que je n'ai pu contrôler et où elle existe à peine. De plus elle n'était pas très expérimentée. [...] Vous savez, le film est revenu à très bon marché. Nous avions beaucoup d'excellents acteurs que nous avons utilisés une semaine, comme Thomas Mitchell. Le personnage joué par Mitchell symbolisait très bien l'attitude d'une certaine fraction soi-disant libérale d'Hollywood. J'ai rencontré beaucoup de Thomas Mitchell et pas beaucoup de Cooper. C'est pourquoi je n'ai pas voulu faire mourir Cooper à la fin, comme je l'avais pensé au début. Dans le contexte politique d'Hollywood, cela aurait été une grave faute morale : il fallait montrer que le courage pouvait payer. Par ailleurs, Zinnemann a insisté sur le fait de photographier High Noon comme des actualités, sans ombre, ni contraste, ce qui était une bonne idée. (B. Tavernier, Amis Américains, entretiens avec les grands auteurs d'Hollywood, Arles, Institut Lumière/Actes Sud, 2008, p. 611-617)

- John Wayne, qui "s'identifiait de plus en plus avec son double cinématographique", critiqua fortement Le train sifflera trois fois, au motif qu'il était anti-américain et accusa Hollywood d'être un foyer de communistes. (J. McBride, A la recherche de John Ford, Arles, Institut Lumière/Actes Sud, 2007, p. 641). Il refusait de le considérer comme un grand film, car il voyait en Carl Foreman un "activiste de gauche" et qu'on voyait Gary Cooper jeter et fouler au pied son insigne de shérif. (M. Zolotow, John Wayne, ou l'épopée du courage, Paris, Editions France-Empire, 1979, p. 200) Toutefois, c'est John Wayne qui alla chercher l'Oscar remporté par Gary Cooper, absent lors de la soirée. Quelques années plus tard, en 1971, il déclara au magazine Playboy "C'est la chose la plus anti-américaine que j'ai vu de toute ma vie. Le pire est le vieux Coop piétinant son étoile de shérif. Je n'ai jamais regretté d'avoir aidé à chasser Foreman du pays. Je lui ai dit qu'à mon avis, il avait considérablement terni la réputation de Gary Cooper." (P. Brion, Cinéma : le western, Genève, Liber, 1996, p. 84)

- Le film fut un grand succès en France. Il cumula (de 1952 à 1999), 5 744 243 spectateurs, dont 1 507 404 à Paris, se classant ainsi 6ème plus gros succès de l'année 1952.

- La chanson Si toi aussi tu m'abandonnes connut également le succès aux États-Unis et en France (où elle fut popularisée par John William).

>> RÉPLIQUES
- "On a des cercueils ?
- Deux.
- Il va nous en falloir deux autres. Au boulot."
(William Phillips/Guy Beach)

- "Avec des adjoints, on peut peut-être éviter le pire.
- C'est inévitable.
- Alors autant que ça se passe ici."
(Gary Cooper/Grace Kelly)

- "Écoute moi bien. Tu es beau garçon et très costaud. Mais Kane, lui, est un homme. Les muscles ne suffisent pas, tu as encore du chemin à faire."
(Katy Jurado)

- "Notre ville n'a jamais eu de meilleur shérif. Si Miller revient aujourd'hui, c'est notre problème, pas le sien. C'est notre ville, nous l'avons fondé. Si nous voulons la protéger, tâchons de réfléchir. Nous devons trouver le courage d'agir décemment, quel qu'en soit le prix. Il y aura du grabuge quand Miller trouvera Kane et le sang coulera, c'est inévitable. Dans le Nord, les gens pensent à cette ville : ils projettent d'investir ici et de construire des usines. Pour nous c'est énorme. S'ils apprennent qu'ici on pille et on tue, que diront-ils ? Qu'ils feraient mieux d'investir ailleurs, et tous nos efforts auront été vains. En un jour, cette ville reculerait de cinq ans, c'est impensable. Vous savez tous ce que je pense de cet homme. Il est courageux, et bon avec ça. Rien ne l'obligeait à revenir. Et d'ailleurs, cela aurait été préférable s'il ne l'avait pas fait. S'il n'est pas là à l'arrivée de Miller, il n'y aura pas de bagarre et demain, nous pourrons offrir nos services au nouveau shérif. Je crois qu'ainsi tout se passera bien. Voilà mon avis, je ne vois pas d'autre solution. Tu ferais mieux de partir, il est encore temps. Fais le pour toi ... et pour nous."
(Thomas Mitchell)

- "J'ai toujours voulu te ressembler, tu as été shérif toute ta vie.
- Toute ma vie. On risque sa peau pour arrêter des meurtriers que les jurés libèrent, et qui reviennent se venger. Si on est honnête, on est pauvre. On finit par mourir seul, dans une allée lugubre. Et pour quoi ? Pour rien. Pour une étoile en ferraille.
- Le juge est parti, Harvey m'a lâché et je n'ai pas d'adjoints.
- Tout est arrivé trop vite. Il en faut des mots pour faire respecter la loi et faire agir les gens. Peut-être qu'au fond, ça leur est égal."
(Gary Cooper/Lon Chaney Jr.)

>> CRITIQUES
"Carl Foreman, qui fut longtemps le scénariste attribué et le collaborateur de Kramer, a construit sur une quelconque novel un scénario d'une admirable rigueur. [...] Unité de temps, de lieu, d'action ; style très dépouillé, pas une fioriture, pas de pittoresque, tout concourt à faire de High Noon une manière de chef d'œuvre, une sorte de tragédie classique où le poids d'une fatalité envoutante pèse sur chaque seconde d'un récit qui dure exactement son temps réel. [...] Le film constitue un très bel essai sur la solitude. [...] Gary Cooper est l'homme du rôle avec une surprenante vérité. Vieilli, voûté, le visage légèrement bouffi, sillonné de rides profondes, la parole hésitante, il donne de Krane la seule interprétation qui puisse être profondément émouvante et rejoindre le "héros" de la tragédie par delà le héros cinématographique habituel. [...] Plus question de Superman ou de Robin des Bois, la désinvolture avantageuse n'a rien à voir avec le difficile courage du solitaire." (J. Doniol-Valcroze, "Un homme marche dans la trahison", Les Cahiers du Cinéma, 16, octobre 1952)

"Les débats de conscience d'un shérif et le problème de la responsabilité personnelle et collective. Succès critique inattendu qui met à la mode le western dit "adulte" et psychologique. [...] Cette œuvre tellement acclamée devint le symbole du western qu'aimaient ceux qui n'apprécient pas le genre. Ses laudateurs ont défendu son aspect fable politique ...En adaptant la nouvelle beaucoup plus dépouillée et simpliste de Jack Cunningham (qui fait l'impasse sur les deux personnages féminins), Foreman et Zinnemann décrivaient en fait la chasse aux sorcières et le maccarthysme." (B. Tavernier et J.-P. Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Paris, Omnibus, 1995, p. 1024)

"Individualiste et anti-héroïque, le western de Zinnemann offre toutefois à Cooper l'une de ses plus belles compositions." (O. Rajchman, "Gary Cooper, l'américain bien tranquille", Studio Cinélive hors série : 20 portraits de stars, 2011, p. 90)

"La composition de Gary Cooper, héros usé, abandonné de tous, y compris de sa jeune épouse, joué par Gene Kelly, alors à son deuxième rôle, est indissociable de l'efficacité et de l'émotion produites par ce western "adulte", dont l'importance sera considérable. Grâce à lui, comme Stagecoach l'avait fait en 1939, le western apparaît comme un genre important. Cette évidence - surtout en 1952 - ne l'avait pas été pour tous." (P. Brion, Cinéma : Le western, Genève, Liber, 1996, p. 84)

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mardi 29 mars 2011

Documents - Mon Ciné (1949) spécial "Les Tuniques écarlates"

La revue Mon Ciné proposait des numéros consacrés à un film en particulier, et racontait le scénario comme une nouvelle, en une dizaine de pages. Le tout entrecoupé de publicités et d'informations cinématographiques (actualités, courrier des lecteurs...).

Voici le numéro 173 consacré au film de Cecil B. DeMille Les Tuniques écarlates (Northwest Mounted Police, 1940), publié le 14 décembre 1949. (Collection personnelle)

> Cliquez sur les images pour les visionner en grand format.