vendredi 29 avril 2011

Gary Cooper, dans le Dictionnaire amoureux du cinéma (de Jean Tulard)

Les cinéphiles n'ont pas oublié son chapeau à large bord, ses inépuisables pistolets, sa gaucherie nonchalante et son sourire timide. Qu'il fût un flegmatique Marco Polo, un séduisant Bill Hickok ou un beau légionnaire dont s'éprenait Marlène Dietrich, il restait Gary Cooper, un mythe.


Plus encore que Mickey, il demeure dans les mémoires comme le symbole de l'âge d'or de Hollywood, d'un Hollywood aujourd'hui englouti. Ford excepté (et cette lacune reste étonnante car les deux hommes donnaient et avaient la même image de l'Amérique), Cooper a travaillé avec tous les grands metteurs en scène américaines : DeMille, Hawks, Walsh, Capra, Lubitsch, Hathaway, Wellman, Wilder, Wyler, Sternberg, Lang, Curtiz, Vidor, Fleming, King, Aldrich, Mann ...
Il eut pour partenaire Ingrid Bergman, Grace Kelly, Marlène Dietrich, Rita Hayworth, Lauren Bacall, Barbara Stanwyck, Clara Bow, Paulette Goddard, Merle Oberon et même Shirley Temple !
S'il eut une préférence pour la Warner et la Paramount, il a tourné pour la plupart des grandes firmes américaines.
Enfin, il a su s'adapter à tous les genres avec une nette prédilection pour la comédie, l'aventure exotique et le western.
Dans La huitième femme de Barbe-Bleue, il est Michael Brandon, richissime américain qui, entré dans un magasin de la Côte d'Azur pour y acheter un pyjama, en ressort avec Nicole de Loiselle (sic) (Claudette Colbert), dont il rêve de faire sa huitième épouse. Si Cooper s'intègre merveilleusement dans l'univers cynique de Lubitsch, il est encore plus à l'aise dans le monde naïvement idéaliste de Capra, monde où il fut L'extravagant Monsieur Deeds.
Toute une génération a puisé son goût de l'aventure dans Les trois lanciers du Bengale : méchant émir dans le nord-ouest de l'Inde, espionne russe, vaillants lanciers au nombre de trois comme les mousquetaires, explosion finale détruisant le repaire des tribus révoltées. Un souffle épique anime encore ce film qui date pourtant de 1935.


Mais Gary Cooper, c'est avant tout le western. Il y fit ses débuts de vedette en 1926 avec The Winning of Barbara Worth (Barbara, fille du désert). Ancien cow-boy et remarquable cavalier, il chevaucha dans The Virginian, un peu languissant, dans The Plainsman (Une aventure de Buffalo Bill), où son personnage de Bill Hickok vole la vedette à Buffalo Bill lui-même, dans The Westerner (Le cavalier du désert), superbe évocation du juge Roy Bean qui rendait la justice de façon expéditive, dans Northwest Mounted Police (Les tuniques écarlates), et surtout dans Vera Cruz où il s'opposait à Burt Lancaster dans un duel final au pistolet. Dernière chevauchée : Man of the West (L'homme de l'Ouest). Et comment oublier le shérif fatigué de High Noon (Le train sifflera trois fois), les commissures qui se creusent autour de sa bouche, la sueur qui mouille son front, pendant que se rapproche inéluctablement le règlement de comptes auquel il n'entend pas se soustraire malgré la lâcheté de son entourage.
La superbe chanson de Dimitri Tiomkin créait un climat bouleversant de nostalgie et de désespoir qui rappelait le personnage romantique que fut aussi Cooper dans ce Peter Ibbetson qui enthousiasma les surréalistes.
Si la filmographie de Gary Cooper ne comprend pas que des chefs-d’œuvre, on n'y relève aucune trace de médiocrité. Elle forme une véritable saga où Gary Cooper symbolise l'Américain moyen aux prises avec la corruption des villes ou la conquête des nouveaux espaces.
Alors que Bogart noie ses états d'âme de détective privé ou de gangster dans le whisky et que le corsaire Flynn ferraille pour les beaux yeux d'une dame qui a les traits d'Olivia de Havilland, Cooper, héros idéaliste et têtu, combat, lui, pour le respect des valeurs morales et la défense de la démocratie. Mort en 1961, il continue à exalter, par ses exploits cinématographiques, l'Amérique et le monde.

La mission du commandant Lex (1952)


>> EQUIPE TECHNIQUE / CARACTÉRISTIQUES
Titre original : Springfield Rifle, Réalisateur : André De Toth, Scénario : Frank Davis et Charles Marquis Warren, Producteur : Louis F. Edelman, Musique : Max Steiner, Photographie : Edwin DuPar, Direction Artistique : John Beckman, Montage : Robert L. Swanson, Genre : Western, Durée : 89 minutes, Couleur, Sortie US : 29 octobre 1952.

>> DISTRIBUTION
Gary Cooper (Major Alex Kearney), Phyllis Thaxter (Erin Kearney), Paul Kelly (Lieutenant John Hudson), Lon Chaney Jr. (Pete Elm), Philip Carrey (Capitaine Edward Tennick), James Millican (Matthew Quint), David Brian (McCool), Wilton Graff (Colonel Sharpe).

>> HISTOIRE
Pendant la guerre de Sécession. Le commandant 'Lex' Kearney, chargé de convoyer un troupeau de chevaux pour l'armée, refuse d'affronter des voleurs pendant une embuscade et fait sonner la retraite. Accusé de lâcheté par le capitaine Tennick, il passe en jugement, avant d'être reconnu coupable, dégradé et expulsé de l'armée. Après une rixe avec le responsable de sa déchéance, il est même jeté en prison.
Dénouement. Avec deux voyous, il parvient toutefois à s'évader et à se faire embaucher par McCool, le chef de la bande qui vole les chevaux de l'armée des États-Unis pour les revendre aux Sudistes. Le commandant Lex est en réalité un contre-espion chargé de démasquer le traitre au sein de l'armée. Après s'être substitué à McCool, il découvre que le traitre est l'homme le plus haut placé du camp militaire, le chef John Hudson. Confondu à son tour par ce dernier, Lex parvient - grâce à ses hommes restés fidèles - à le faire arrêter et à tuer les voleurs. Son action est reconnue comme efficace par l'armée, et il est réincorporé avec les honneurs.

>> AFFICHES


>> NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES
-

>> AUTOUR DU FILM 
Rencontre avec André De Toth (extrait, 1967). 
- "Est-ce vous ou Charles Marquis Warren qui a eu l'idée de Springfield Rifle ?
- Tous les deux. Je me suis dit, un beau jour, que dans toutes les guerres, il y avait eu des espions. Pourquoi pas pendant la guerre de Sécession ? Charles Marquis Warren connaissait très bien l'histoire de l'Ouest, et il m'a donné des détails curieux. Mais le film que vous avez vu n'est qu'un squelette. En fait, j'avais tourné l'un des plus longs films après Autant en emporte le vent, presque deux heures et demie, et on m'en a coupé près de trois quarts d'heure. On a supprimé tout ce qui humanisait les personnages, et notamment celui de Gary Cooper dans les relations avec sa femme. Sans parler de longues scènes dans la neige et d'une bataille dans la brume. Elle, je l'avais vraiment tournée dans la brume. Les combattants se cherchaient et ne se voyaient pas. C'était magnifique. Mais il n'en reste rien". (B. Tavernier, Amis américains, Arles, Institut Lumière/Acte Sud, 2008, p. 486)

André De Toth (extrait, 1993)
- [...] "Prenez Springfield Rifle, avec la scène dans le brouillard. Un matin je me suis réveillé et je suis allé sur le plateau - j'aimais beaucoup y arriver le premier. Ce jour là je ne pouvais pas voir le bout de mon bras tellement le brouillard était dense. J'ai appelé mon assistant et lui ai demandé de réveiller toute l'équipe pour aller tourner. J'ai moi même sorti du lit Gary Cooper qui n'était pas un homme facile au réveil - après il redevenait adorable". (Idem, p. 497)

- Le tournage fut bref, 28 jours, et coûta 628 000 dollars. Dans son autobiographie, le réalisateur André De Toth raconte que Gary Cooper avait pour habitude de faire des siestes en pleine nature et, pour pouvoir le retrouver plus facilement en cas de besoin, on lui accrochait des ballons gonflables (pour signaliser sa "position"). Un jour, lors d'une scène à laquelle il ne participait pas, les chevaux s'emballèrent "comme un torrent déferlant sur tout, équipements, hommes", et furent maîtrisés un peu après sans causer de dégâts majeurs. Seulement, personne ne savait où était Gary Cooper (ses ballons étaient crevés). Celui-ci arriva, après sa sieste, et s'exclama sereinement "Ça a dû être un plan formidable, Tex. Pas vrai ?" devant une équipe médusée et inquiète pour lui. 
Les relations entre le réalisateur et Cooper furent très bonnes, De Toth savait qu'il pouvait compter sur sa vedette. Lors d'un conflit avec son chef opérateur qui aurait pu le faire renvoyer du tournage, il pu compter sur son soutien total ("Si Jack [Warner] vous fout à la porte, pas besoin de regarder derrière vous, je suivrai !" lui déclara la star après une soirée arrosée) et écrivit "C'était un plaisir de travailler avec Coop', un ami à l'épreuve de toutes les intempéries. [...] Il était là, vous saviez qu'il serait toujours là. Une force silencieuse, le symbole de l'honnêteté".
Sur le laconisme de Gary Cooper, André De Toth écrit : "Si Coop' avait été plus détendu, il aurait été une flaque. Lui et Churchill  devaient avoir des gênes semblables, mais ceux de Coop' n'avaient pas besoin d'alcool ; il pouvait s'endormir debout immobile, et immobile, il l'était toujours." (A. De Toth, Fragments, portraits de l'intérieur, Arles, Institut Lumière/Actes Sud, 1998, p. 449-453)

- La grande première du film eut lieu le 22 octobre 1952 à New-York. La sortie française fut programmée pour le 18 août 1953. Le film cumula 2 077 489 entrées en France, dont 408 509 à Paris.

>> RÉPLIQUES
- "Votre tunique est toute tâchée. Est-ce le sang des hommes que vous avez sacrifiés ? Êtes vous fier de vous ? Vous sentez vous aussi brave ?"
(Gary Cooper)

- "Heureux de vous voir ici. Vous êtes de la Virginie ?
- Oui, et vous ?
- De la Caroline du Sud. Vous savez, un jour, j'ai failli vous abattre. Heureusement je vous ai raté.
- Je m'en réjouis. Comment êtes vous arrivé ici ?
- Avec d'autres, on m'a envoyé à McCool. Les chevaux valent plus que les hommes".
(Fess Parker/Gary Cooper)

- "J'ai eu l'opinion du ministère sur le contre-espionnage. Ils se sont moqué. Ils ont jugé absurde de créer une chose qui n'est même pas définie dans le dictionnaire ! On va l'écrire leur définition, et en majuscules !"
(Wilton Graff)

- "L'armée semble hostile aux idées nouvelles. Nous sommes responsables de tant de vies humaines. Mais il se trouve des hommes courageux, entreprenants qui vont au-delà de leur devoir. Vous êtes de ceux là, comme Sharpe, Tennick, et tant d'autres qui se sacrifièrent. Commandant Kearny, vous êtes réintégré dans votre unité avec citation du général en chef des États-Unis. J'ai recommandé votre mutation à la tête du nouveau service de contre-espionnage. Le résultat le plus important de ces opérations est le succès que vous avez obtenu avec le nouveau fusil. Vous avez prouvé sa supériorité au combat, et par conséquent, le fusil Springfield équipera désormais l'armée des États-Unis. Il contribuera à la victoire finale et ramènera la paix et l'unité dans notre pays."
(Richard Hale)

>> CRITIQUES
"Springfield Rifle, originale histoire d'espionnage durant la guerre de Sécession, contient des scènes fortes - le jugement de Gary Cooper filmé en une suite de panos et de travellings, sa dégradation, les magnifiques extérieurs filmés dans le brouillard - mais un second sujet (le fusil à répétition qui donne son titre au film) vient se greffer sur le premier et le banaliser sans aucune compensation". (B. Tavernier et J.-P. Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Paris, Omnibus, 1995, p. 424)

"Western classique : Cooper est parfait et la mise en scène de De Toth efficace." (J. Tulard, Guide des films (F-O), Paris, Robert Laffont, 2002, p. 1962)

>> PHOTOS

jeudi 28 avril 2011

Journal de la mort de Gary Cooper (15-17 mai 1961) - Quotidien Ouest-France

Voici la première page du quotidien Ouest-France, du lundi 15 mai 1961, annonçant la mort de Gary Cooper.


Un article est également consacré à la disparition de l'acteur, à l'intérieur en page 3.


Deux jours plus tard, le mercredi 17 mai 1961, Ouest-France publia également un article sur les obsèques de la star, en première page.

"Politique des acteurs : Gary Cooper", par Luc Moullet (1993)

Politique des acteurs est le seul ouvrage, à ma connaissance, consacré entièrement à l'étude et l'analyse du jeu de quatre des plus grandes stars de Hollywood, Duke Wayne, Gary Grant, Jimmy Stewart et Gary Cooper. A priori, un livre important et incontournable.


L'auteur est réputé parmi les cinéphiles, il intervient régulièrement dans des bonus de DVD (dont certains sur Gary Cooper - L’odyssée du Dr. Wassell, Les tuniques écarlates) et est l'auteur de nombreuses critiques (et de quelques films, que je n'ai pas eu l'occasion de voir).

Le chapitre consacré à Coop' est très bien intitulé L'immortalité du sphinx, en référence au "champion de l'underplay" qu'il était et possède de très belles analyses de l'évolution du laconisme de l'acteur, exacerbé au fur et à mesure des films, et de l'importance d'avoir des partenaires qui le valorisent encore plus (tels que Walter Brennan ou Akim Tamiroff). Toutefois, j'ose relever de nombreux défauts à mon goût : Moullet ne s'intéresse pas à tous les films de Cooper, mais à quelques uns qu'il juge importants ; il y a plusieurs erreurs difficilement acceptables, dont une sur les morts de Gary Cooper au cinéma : Moullet n'en relève que 5 (oubliant notamment Les trois lanciers du Bengale et Peter Ibbetson !) ; et c'est surtout la manière d'écrire de l'auteur qui me dérange : il ne semble pas apprécier les acteurs dont il parle, ni les films (on a l'impression qu'il n'y a que quelques bons films dans leurs carrières - et c'est encore plus flagrant dans le chapitre sur John Wayne) ; sans compter ses nombreux avis très discutables : Moullet ne voit que trois westerns intéressants dans la carrière de Cooper (!), ceux de Cecil B. DeMille, ne voit aucun intérêt dans les films de Sam Wood, et trouve enfin que Peter Ibbetson est un film totalement raté.

Le livre est donc pénible à lire - Moullet gâche complètement son très beau sujet -, et il sera complètement indigeste pour quelqu'un qui n'a pas vu les films des acteurs concernés (pour bien faire, il faut maitriser la filmographie complète). De plus, si vous êtes un grand admirateur de Gary Cooper ou John Wayne, vous aurez bien du mal à accepter certaines phrases franchement exagérées ("Prenons les cinq derniers Cooper : le seul qui présent un intérêt, c'est bien sur le seul qu'il n'ait pas produit, Man of the West", "[...] le médiocre How Green Was My Valley", "[...] comme The Big Trail, où il ne rendait pas grand-chose à travers ses rôles de jeune gandin [...]").

mardi 26 avril 2011

Diffusions télé - Ceux de Cordura (1959)


La chaîne Cinéma payante Orange Ciné Géants diffuse le film de Robert Rossen, Ceux de Cordura, avec Gary Cooper, Rita Hayworth et Van Heflin ce mercredi 27 avril à 20h40. Rediffusions le dimanche 1er mai à 10h55, le mardi 3 mai à 14h15 et le vendredi 6 mai à 8h20.

jeudi 21 avril 2011

Sergent York (1941)


>> ÉQUIPE TECHNIQUE / CARACTÉRISTIQUES
Titre original : Sergeant York, Réalisateur : Howard Hawks, Scénario : Abem Finkel, Howard Koch, John Huston et Harry Chandlee, Producteur : Hal B. Wallis et Jesse L. Lasky, Musique : Max Steiner, Photographie : Sol Polito, Direction artistique : John Hughes, Montage : William Holmes, Genre : Guerre, Durée : 134 minutes, Noir et Blanc, Sortie US : 27 septembre 1941.

>> DISTRIBUTION
Gary Cooper (Alvin C. York), Walter Brennan (Pasteur Rosier Pile), Joan Leslie (Gracie Williams), George Tobias ('Pusher' Ross), Stanley Ridges (Buxton), Margaret Wycherly (la mère de York), Ward Bond (Ike Botkin), Noah Beery Jr. (Buck Lipscomb).

>> HISTOIRE
1917. Alvin York est un fermier du Tennessee, qui préfère l'alcool aux sermons du pasteur, jusqu'au jour où la foudre tombe à côté de lui, faisant fondre son fusil. Voyant là un signe divin, il s'investit dans la religion tout autant que dans son travail. Fiancé à Gracie Williams, il refuse tout d'abord d'aller combattre en Europe quand la guerre éclate, mais s'y voit contraint par l'administration.
Dénouement. Vu comme un objecteur de conscience, un pacifiste, par ses supérieurs, il épate par ses qualités de tireur. Petit à petit, grâce au major Buxton, il conçoit la guerre comme le moyen de défendre ses libertés individuelles, et se voit nommé caporal. Envoyé sur le front, il devient le héros de toute sa nation en sauvant ses hommes d'une embuscade allemande, et en faisant capturer 132 prisonniers à lui tout seul. Décoré par la France, l'Angleterre et les États-Unis, et après un passage triomphal à New York, il rentre chez lui pour se marier et s'occuper de sa ferme.

>> AFFICHES


>> NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES
Nominations :
- Cérémonie des Oscars, 1942 : Meilleur film, Meilleur acteur (Gary Cooper), Meilleur acteur dans un second rôle (Walter Brennan), Meilleure actrice dans un second rôle (Margaret Wycherly), Meilleur réalisateur (Howard Hawks), Meilleur scénario original (Harry Chandlee, John Huston, Abem Finkel et Howard Koch), Meilleure photographie en noir et blanc (Sol Polito), Meilleure direction artistique en noir et blanc (John Hughes et Fred M. MacLean), Meilleur son (Nathan Levinson, Warner Bros.), Meilleur montage (William Holmes), Meilleure musique (Max Steiner).

- New York Film Critics Circle, 1941 : Meilleur acteur (Gary Cooper)

Récompenses :
- Cérémonie des Oscars, 1942 : Meilleur acteur (Gary Cooper), Meilleur montage (William Holmes).

- New York Film Critics Circle, 1941 : Meilleur acteur (Gary Cooper).

- L'American Film Institut a classé Sergent York dans plusieurs listes :
     . 57ème film le plus inspirant de tous les temps.
     . 35ème plus grand héros de film de tous les temps (Alvin York, Gary Cooper).

>> AUTOUR DU FILM
Alvin C. York (1887-1964) fut un réel héros des États-Unis, engagé dans l'armée américaine en 1917, tireur d'élite et décoré pour avoir tué une trentaine d'ennemis et capturé 132 prisonniers à lui tout seul.  En 1919, au sortir de la guerre, il triompha à New York (la scène est dans le film) dans la grande parade de l'armistice où il fut ovationné par le public. Jesse L. Lasky, pionnier du cinéma à Hollywood (il fut le producteur du premier film tourné sur place, réalisé par Cecil B. DeMille), assista à cette parade et eut l'idée de réaliser un film sur le destin de cet homme.

Le véritable Alvin Cullum York, décoré après la guerre.

Des années plus tard, après plusieurs tentatives avortées, il rencontra Alvin York qui donna son accord pour faire un film, à la seule condition que Gary Cooper soit l'interprète principal. Toutefois celui-ci ne fut pas tout de suite emballé, voire même hostile à ce projet, jusqu'à ce qu'il rencontre personnellement le héros. Hal B. Wallis, chargé de production, proposa Michael Curtiz comme réalisateur, proposition rejetée par Cooper. Mais la Paramount refusa de "prêter" Henry Hathaway, tout comme Universal refusa Victor Fleming. Finalement, c'est Howard Hawks qui fut emprunté à Samuel Goldwyn, pour une très grosse somme. Le réalisateur de Scarface et Gary Cooper acceptèrent de faire le film par amitié pour Lasky, alors dans une situation financière exécrable (l'acteur qui fut "prêté" pour Sergent York en échange de Bette Davis).

Le tournage eut lieu dans les grands studios de la Warner, dans la vallée de San Fernando, à côté de Los Angeles, et sortit en septembre 1941 aux Etats-Unis. Howard Hawks aurait voulu une femme plantureuse pour incarner l'épouse de York, mais Wallis refusa et lui imposa Joan Leslie, pour qu'elle incarne une femme de la campagne, simple. Le succès fut considérable, rapporta près de deux millions de dollars de recettes, et le principal intéressé, satisfait de l'adaptation cinématographique d'une partie de sa vie, déclara "J'ai fourni l'arbre et Hawks a mis des feuilles".

Dans un contexte troublé - quelques mois avant l'attaque sur Pearl Harbor, et l'entrée en guerre des États-Unis - le film apparut (et apparaît toujours) comme une œuvre de propagande, "liée aux enjeux de l'engagement des États-Unis contre le régime nazi" pour servir leur "cause interventionniste qui avait besoin de modèles et de légendes", renouant alors avec les stéréotypes de la culture de 14/18 (la scène où York tue les allemands comme les vulgaires dindons de sa campagne, notamment). Le film ne fut évidemment pas projeté en France occupée, et ne sortit que le 4 avril 1945 dans l'hexagone. (d'après les ouvrages de Noël Simsolot, Patrick Brion et Laurent Veray, voir la bibliographie)

>> RÉPLIQUES
- "Regarde ce vieux chêne, il paraît solide. Il a vu ton père labourer ce champ. On croirait qu'il ne tomberait jamais hein ?
- Oui.
- Fièrement dressé vers le ciel. Eh bien non ! Il tient grâce à ses racines, dans le sol. On ne les voit pas, mais elles existent. Ainsi l'homme doit avoir des racines, ailleurs qu'en lui même."
(Walter Brennan/Gary Cooper)

- "Je n'ai pas le droit de me mettre entre vous.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Ce que j'essaie de dire, mademoiselle Gracie, c'est qu'un brave type comme lui fera un bon mari.
- Comment ?
- Et si vous changiez d'avis en faveur de Zeb, je crois que ...
- Quoi ?
- Que je comprendrais.
- C'est trop fort ! Écoutez moi bien, si je voulais Zeb Andrews, je l'aurais, et sans que vous fassiez le grand cœur. Je vous ai embrassé non ?
- Oui.
- Je ne cours pas les champs pour embrasser le monde ! Maintenant écoutez moi bien, j'épouse une terre ?
- Oui. Euh ... non !
- Un troupeau ?
- Non.
- Un champs ? Je vous épouserai et personne d'autre."
(Gary Cooper/Joan Leslie)

- "Je travaille dans le métro mais j'ai jamais pensé aux gars qui l'ont creusé. Depuis que je suis troufion, je les respecte."
(George Tobias)

- "Où avez vous appris à tirer ?
- Nulle part. Chez moi, on dit que je savais tirer avant de naître."
(Harvey Stephens/Gary Cooper)

- "Que croyez vous que Boone cherchait dans vos forêts ?
- Je n'y ai pas réfléchi.
- De nouvelles terres ?
- Probablement.
- Possible ... Mais peut-être autre chose. Une chose que l'homme ne peut voir ni toucher, qu'il ne conçoit pas avant de l'avoir perdue.
- Je vous écoute.
- La liberté. C'est rare un homme libre. C'est ce qu'il cherchait, c'est pour cela que Boone est venu dans vos forêts.
- On raconte ça là-dedans ?
- Oui. C'est l'histoire d'un peuple luttant pour sa liberté, du début jusqu'à nos jours, car rien n'est fini. Une longue histoire York, la genèse du premier gouvernement déclarant que la communauté défend l'individu et l'individu la communauté. Le gouvernement du peuple, par, et pour le peuple."
(Stanley Ridges/Gary Cooper)

>> CRITIQUES
"Le récit de Sergent York, fermier héros de guerre, converti à la justesse morale du combat armé par une révélation en plein orage, lui permet [à Howard Hawks] de créer avec Gary Cooper une figure comique truculente, sincère et professionnelle. Comme les décors de campagne en studio, les dimensions folkloriques et religieuse du film lui sont étrangères, mais il les applique avec sérieux en se concentrant sur l’excentricité d'Alvin York." (P. Berthomieu, Hollywood classique, le temps des géants, Nîmes, Éditions Rouge profond, 2009, p. 280)

"Quel est le pire ennemi de la guerre ? Le patriotisme. C'est pourtant lui qui irrigue de la première à la dernière image cet extraordinaire portrait de héros, brave montagnard pacifiste devenu à son corps (presque) défendant une légende vivante de l'Amérique belliciste. Combiné au charisme oscarisé de Gary Cooper, le génie visuel d'Howard Hawks a de quoi susciter un garde-à-vous réflexe." (B. Achour et V. Serlat, "A la guerre comme à la guerre", Les années laser, n°167, septembre 2010, p. 86)

"[...] Il reste un film longuet dans sa première partie, et admirable de concision dans la description des combats et de la vie militaire." (J. Tulard, Guide des films, Paris, Robert Laffont, 2002, p. 892)

"Mis à part son militarisme, souvent gênant, Sergent York bénéficie de la composition chaleureuse de Gary Cooper. Grâce à lui, le film devient l'histoire d'un homme simple qui renonce peu à peu à sa vie de bagarreur inconscient pour travailler, inlassablement, et tenter de pouvoir acheter la tenue qu'il destine à sa future femme. Cette partie du film est sans doute la plus attachante dans sa description de la province américaine." (P. Brion, Le cinéma de guerre, Paris, Éditions de la Martinière, 1996, p. 97)

"C'est l'une des très rares oeuvres de Hawks à présenter un personnage complètement primitif et c'est aussi l'un de ses rares films où  le mélange des tons n'intervient pas directement. Le classicisme de Hawks, son refus si caractéristique de tout formalisme, également son respect du personnage qu'il a à traiter, transcendent cette imagerie d’Épinal à laquelle, d'autre part, s'accorde parfaitement la naïveté sublime du style de jeu de Cooper." (J. Lourcelles, Dictionnaire du cinéma, les films, Paris, Robert Laffont, 1992, p. 1361)

"[Sergent York] est aussi une œuvre à double prise de conscience (religieuse, puis patriotique) qu'une désignation cynique de la colonisation d'un individu par les tables de Dieu et celles de la Nation." (N. Simsolot, Howard Hawks, Paris, Cahiers du cinéma, 2007, p. 135)

"A voir les choses de plus près, il est probablement impossible que York soit à la fois un idiot et le champion des valeurs morales de l'Amérique. Pour certains spectateurs, il sera d'ailleurs ou l'un, ou l'autre. Mais le génie de Hawks sera de nous faire accepter cette ambiguïté impossible, de tenir toujours en éveil notre pouvoir de réflexion et d'interrogation." (L. Moullet, Politique des acteurs, Paris, Éditions de l'étoile, 1993, p. 34)

>> PHOTOS DU FILM


>> PHOTOS D'EXPLOITATION


>> PHOTOS DE TOURNAGE


>> LA CÉRÉMONIE DES OSCARS DE 1942


>> DOCUMENTS
Fiche "Portraits de stars : l'encyclopédie du cinéma" spéciale Sergent York.